Allemagne: les produits bio et la neutralité carbone
Allemagne: les produits bio et
la neutralité carbone
Plus d’un consommateur sur deux achète du bio en Allemagne. Il ne suffit plus qu’un produit soit estampillé bio pour connaître le succès, il se doit d’être le plus neutre possible en carbone. Distributeurs et producteurs s’adaptent de manière différente, parfois surprenante, et toujours sous le regard critique des consommateurs.
« La super-saucisse sauve le monde ! » proclame l’affiche à l’entrée du supermarché bio. « Nous avons réussi ! La saucisse fine d’Ökoland est le premier produit alimentaire au monde à s’être vue attribuer le label Stop-Climate-Change ».
Cette interpellation surprenante a le mérite d’attirer le regard des consommateurs soucieux d’environnement. Car les sigles ne manquent pas sur les produits du supermarché entièrement dédié au bio, les clients ignorent même souvent jusqu’à l’existence du label carbone en question.
Il n’empêche, la « superwurst » se vend…comme des petits pains en Allemagne, à en croire Patrick Müller, gérant d’Ökoland, un des principaux distributeurs de produits bios du pays. « Les consommateurs honorent un engagement actif de l’entreprise contre le réchauffement climatique », relève le gérant lors d’une intervention pendant le dernier salon bio à Nuremberg.
Pour faire de sa saucisse un exemple climatique, Ökoland a fait appel à l’agence Agrar-Teg, créée à l’initiative de l’université de Göttingen, qui définit et délivre le label « Stop Climate Change ». Toute la chaîne de production et de distribution est passée au filtre carbone. Comme la consommation d’électricité d’origine renouvelable et les mesures d’économie d’énergie ne sauraient compenser toutes les émissions émises, l’entreprise achète des certificats d’émissions de CO2 et soutient ce faisant un projet de parc éolien en Inde. Patrick Müller estime le surcoût à deux centimes d’euro par paquet.
Pour autant, toutes les marques ne communiquent pas sur le sujet. Les acteurs traditionnels du bio allemand n'ont même pas de label « CO2-Neutral ». Place à la sobriété. Chez Sodasan, fabricant de détergents écologiques, comme chez Demeter ou encore Rapunzel, le message reste le même : le combat contre le réchauffement climatique va de soi. Le consommateur avisé trouvera les informations nécessaires sur les sites de ces pionniers de la consommation bio – qui entendent par ailleurs défendre corps et âmes les origines contestataires du mouvement, issu des années 70.
« Green marketing » contre « green washing »
Car les Lidl, Rewe et autres distributeurs traditionnels ont vite saisi les enjeux du marché bio allemand. Selon les derniers chiffres de la Fédération des produits de consommation biologiques (BÖLW), ce marché a enregistré, en 2008, une hausse de 10% pour atteindre un chiffre d’affaires de 5,8 milliards d’euros. L’organisation souligne que l’offre nationale se montre incapable de satisfaire une demande toujours plus grande – et ce, alors que la surface agricole allemande dédiée à l’agriculture biologique ne cesse également de croître pour atteindre les 5,6% de la surface cultivable totale (contre 2% en France). Conséquence : l’importation augmente, elle aussi.
Or, pour un grand nombre de consommateurs adeptes du bio, les produits importés dégagent un fort parfum de kérosène et donc d'émission de gaz à effet de serre. Ce que n’ont pas manqué de souligner les acteurs du secteur. « Les distributeurs et producteurs bios découvrent la thématique de la neutralité carbone, alors que l’on aurait pu s’attendre à ce qu’elle aille de soi dans ce secteur », relève Jörg Reuter, de l’agence ÖkoStrategieWissen, une agence de conseil en stratégie marketing pour le secteur bio, basée à Berlin. «Il ne suffit plus de proposer des produits bios dans son assortiment pour satisfaire les aspirations vertes des consommateurs. Ils reconnaissent très vite si les activités, et tout particulièrement les méthodes de communication déployées, sont crédibles ou relèvent simplement de l’alibi ».
Un constat que confirment une nouvelle enquête, réalisée par l’agence A.T. Kearney. « Notre étude montre la grande divergence entre les distributeurs et leurs clients sur la définition de véritables standards durables. Seuls 12% des clients interrogés s’estiment suffisamment informés sur la politique durable de leurs distributeurs » note Mirko Warschun, co-auteur de l’étude.
Retour au supermarché bio. Une cargaison de truites issues de l’élevage écologique vient d’arriver. Pas besoin de label pour constater un bilan carbone exemplaire : elles viennent de la région et ont été péchées à la main !
Claire Stam à Francfort (Allemagne) Novethic.fr